Avec l’exposition consacrée cet été à Claude Lévêque, Le Parc Saint Léger – Centre d’art contemporain de Pougues-les-Eaux entraîne le visiteur dans l’univers spectaculaire et radical d’un des artistes français les plus connus internationalement.
Né en 1953 à Nevers, Claude Lévêque réalise à la fin des années soixante-dix ses premiers instantanés photographiques, pris au hasard, autour de lui, réagissant de manière immédiate à ce qui l’entoure. Plus que des œuvres, ses premières interventions sont des « moments émotionnels » émanant directement de son univers personnel. Elles prennent d’abord l’allure de petits récits privés, évocations de situations fictionnelles. L’adolescence en est la source principale, avec ses histoires inquiètes et radieuses, ses désirs, ses rêves.
Au fur et à mesure, l’univers de l’artiste s’assombrit ; son regard lucide, sans concession, s’accompagne d’une volonté d’explorer d’autres lieux : appartements désaffectés (opération HLM Jour de chance à Nevers en 1992, Appartement occupé à Bourges en 1994), cités universitaires (Chambre 321 à Poitiers en 1995) ou banlieues. Privilégiant le travail in situ, il quitte progressivement le terrain des objets et des situations pour se focaliser sur des recherches ayant trait à la création d’espaces et d’atmosphères inédites. Ses installations, d’une réalité crue, mettent le spectateur face à un quotidien abrupt, dur. Ses œuvres conditionnent le lieu où elles s’installent et le bâtissent, le sculptent par la lumière (ou son absence) et le son. Lumières et sons sont utilisés comme des matériaux architecturaux, ils ne viennent pas embellir ou ornementer ; ils construisent le vide, ils abaissent les plafonds, obstruent les fenêtres, rehaussent les entrées, réduisent l’espace.
À Pougues-les-Eaux, Claude Lévêque investit l’ensemble du bâtiment du Centre d’art pour une installation, Looping, qui utilise la lumière et le son. Par sa sensibilité et l’observation attentive du lieu et de son environnement, l’artiste opère un va-et-vient avec l’architecture. Il en résulte une ré-activation totale des éléments constitutifs du parc et du bâtiment. Pour réaliser Looping, l’artiste a collaboré avec le musicien Gérôme Nox et lui a fourni les sources sonores que le musicien a retravaillé avec des machines. Dans les installations de Claude Lévêque, le son n’est jamais un élément en plus, simplement rajouté, il joue avec la globalité des matériaux que l’artiste utilise dans ses œuvres, au même titre que la lumière. Au Parc Saint Léger, c’est dans l’obscurité totale entrecoupée d’éclairs lumineux que le spectateur doit en faire l’expérience. Le parc y retrouve une présence étrange, transposée, mécanisée. Claude Lévêque en a retenu la verticalité des arbres, le croassement intense des corneilles, la proximité immédiate de son casino, unique trace du passé thermal de la commune. Il y introduit une distorsion en employant des éléments industriels, des tuyaux en PVC érigés dans l’espace central du centre d’art, accentuant encore la notion de verticalité et la bande son qui mixe différentes sources sonores pour introduire des indices qui pourraient suggérer une narration. En entrant dans le centre d’art, le visiteur quitte l’ambiance estivale plutôt bucolique du parc pour se retrouver dans un espace à la fois semblable et totalement inversé, matériellement et mentalement, comme si le parc était retourné comme un gant pour révéler « son côté obscur ».