Le Parc Saint Léger est heureux d’annoncer la première exposition monographique d’Eva Kot’átková dans une institution française. L’exposition propose une traversée de son travail avec un agencement d’œuvres anciennes et de productions inédites, poursuivant ainsi un corpus intitulé « Theater of Speaking Objects ».
Au moyen d’installations, de dessins, de vidéos ou encore de performances, Eva Kot’átková explore une forme de médiation entre l’homme et le monde, ou encore les processus de subjectivation en relation avec les objets et les dispositifs. Ses installations comme ses expositions ont toujours un caractère narratif. Cependant, son récit ne se déroule jamais sur un mode linéaire; il est fragmenté, entrecoupé ou interrompu, soulignant de la sorte les difficultés de la communication. Elle développe ses dispositifs de manière à suggérer que les idées, les pensées ou les émotions ne peuvent être formulées qu’indirectement.
Dans un premier temps, elle s’intéresse aux différents modèles éducatifs largement répandus dans toutes les sociétés en prélevant des images dans des livres historiques sur l’éducation. Son iconographie s’inspire, entre autres, des pratiques de Moritz Schreber (1808-1861), médecin allemand, pédagogue et orthopédiste qui équipa sa clinique des mécanismes les plus sophistiqués de l’époque. Ces objets, entre la prothèse et l’instrument de torture, sont autant de représentations pour exprimer la surveillance, le contrôle et la contrainte et autant de métaphores pour dénoncer les mesures normatives du contexte social.
Inspirée par cette iconographie, Eva Kot’átková réalise des dessins, des collages et des objets qui s’apparentent souvent à des grilles, des cages ou des pièges pour le corps. En leur donnant un caractère anthropomorphe, elle fait de ses objets un support à des voix ou à des idées qui, autrement, ne pourraient être exprimées. Elle oriente également ses recherches de plus en plus vers un langage du corps, perçu comme un véritable moyen de communication. Ainsi, ses installations jouent consciemment avec le théâtre et ses conventions. Les différents éléments exposés sont comme des accessoires en attente d’activation, soit par un performeur, soit dans l’esprit du spectateur qui devient partie prenante de l’exposition.
Si le théâtre d’Eva Kot’átková entretient des liens avec la littérature, il explore aussi son pendant thérapeutique et politique. Ses recherches convoquent des personnalités telles que Jacob Levy Moreno (1889-1974), inventeur du psychodrame et l’un des pionniers de la thérapie de groupe, ou Augusto Boal (1931-2009), écrivain, dramaturge, metteur en scène et homme politique brésilien. Tous deux partagent un intérêt pour l’improvisation, pour l’exploration des sentiments et de l’esprit critique à travers des jeux de rôle ou des situations qui examinent les relations entre les individus et les relations interpersonnelles. Ces deux figures ont également en commun le fait de donner une voix aux marginaux, aux déficients et aux opprimés. Poursuivant cette ligne, Eva Kot’átková introduit, dans ses installations ou objets, des voix ténues ou fortes qui, souvent, traitent le thème des relations interpersonnelles dysfonctionnelles ou d’une communication altérée.
Comme dans le collage ou les films surréalistes, son théâtre convoque des éléments de pensées rationnelles et de l’inconscient, où les phénomènes d’origines incertaines côtoient des choses réelles. Son travail reste dans la désuétude, en suspens ; il dissimule plus qu’il ne révèle en utilisant l’allusion et le code secret. Et c’est de cette façon qu’il laisse toute sa place à l’invisible et au subconscient.
Catherine Pavlovic