Pour son exposition au collège René Cassin, Christophe Lemaitre installe une vidéo projetée sur un écran tendu au centre de la galerie. En trois séquences de 15 minutes chacune, le film présente l’artiste dans son atelier, travaillant au jointoiement de deux images. Témoignage sur un processus de travail, Christophe Lemaitre définit ce travail comme une captation des répétitions pour une performance possible. Il ne s’agit donc pas d’une œuvre mais peut-être plus de ce qui précède l’œuvre. Construit dans une unité de temps, de lieu et d’action, le plan fixe montre la répétition d’un geste quasi mécanique : deux affiches sont juxtaposées puis, par jeux de superpositions successives, l’artiste découpe les images jusqu’à leur disparition. Sorte de cadavre exquis constitué par retrait plutôt que par ajout, de nouvelles images composées émergent paradoxalement au centre du support au fil du temps et à force de découpes.

Le corps de l’artiste et sa gestuelle participe de la mécanique, comme une chorégraphie : il entre en scène, il colle, découpe, puis recolle précisément, il fait trois pas en arrière pour sortir de l’image. Les images utilisées sont des copies numériques issues d’un catalogue de Hans Peter Feldmann, appartenant à la bibliothèque du centre d’art du Parc Saint Léger. Elles représentent un sujet neutre et banal : des gros plans de fleurs aux couleurs saturées par le scanner informatique. Sans signification particulière, ces images prennent presque le statut d’objet et permettent de concentrer le sujet sur le geste qui intervient dans la performance. Le titre « La forme de l’épée » est celui d’une nouvelle de Borges. Clin d’œil à l’instrument utilisé pour la découpe des images, le Té, la référence littéraire évoque surtout l’attirance de l’artiste pour les jeux de langage croisés et la recherche de différents niveaux de lectures possibles.