Comme les braconniers culturels décrits par Michel de Certeau, Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize concrétisent une certaine jouissance dans le faire et matérialisent la pensée dans les objets. Leurs œuvres s’élaborent par assemblage, superposition ou substitution, autant de procédés qui tentent de mettre à distance les sujets traités, mais qui en même temps dévoilent un travail de compilation gargantuesque et quasi compulsif de références. Celles-ci proviennent autant des cultures historiques, vernaculaires ou pop. Le dessin est omniprésent. Parfois, il permet à la pensée d’exister sous forme d’esquisses et de notes, d’autres fois il est le décor de céramiques, souvent il est l’outil qui intègre de façon sous-jacente mais néanmoins prégnante les objets dans une trame narrative toujours présente.
Les techniques et les savoir-faire sont aussi des éléments constitutifs de la pratique artistique de Lamarche-Ovize. Ils se réfèrent d’ailleurs explicitement à la philosophie de William Morris, fondateur du mouvement « Arts & Crafts » dans les années 1860, qui refusait la distinction entre l’art et l’artisanat.
Le décloisonnement des pratiques se traduit dans leur travail par le fait de s’adjoindre régulièrement des artistes ou des artisans. Ils manifestent clairement un goût prononcé pour le motif et le décoratif, de même qu’un intérêt pour le bricolage. Une appétence qui fait des objets un témoin du plaisir de la manipulation avec une disposition assumée pour l’hybridation.
Cette manière de procéder se retrouve dans l’ensemble de la proposition justement intitulée « Les motifs sauvages ». L’exposition donne à voir une multiplicité de motifs qui passent des cartons aux céramiques ou à l’animation vidéo, du carnet de notes aux tampons qui se répandent dans l’espace du centre d’art. Ce passage d’un support à l’autre, qui entretient à la fois une position autonome et une relation de cause à effet, se retrouve aussi dans le choix des céramiques présentées. Suite à une résidence au Mexique en 2015, le duo d’artistes a pu expérimenter des techniques selon un mode artisanal et industriel détourné du « Barro Negro », style pratiqué dans la région de Guadalajara. De cette pratique ont émergé des motifs plus ou moins exotiques avec des objets insignifiants prélevés du quotidien. Dans l’idée de poursuivre leurs recherches sur les savoir-faire et de mettre en évidence les différences de modes de production, mais aussi le contexte météorologique et naturel de la terre, l’exposition au Parc Saint Léger est l’occasion de découvrir des modes de production issus d’une méthode développée dans le village de céramistes de La Borne et chez les faïenciers de Nevers. Une série de céramiques a ainsi été réalisée avec l’aide de Laurent Gautier, céramiste à l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges, en utilisant le grès et la technique du tournage. L’autre série à été réalisée avec la complicité de la Faïencerie Georges à Nevers. Les artistes sont allés puiser dans une collection de moules appartenant à cette manufacture installée à Nevers depuis 1898. Fidèles à leur mode de travail, ils ont agi selon le procédé du collage et du détournement pour réaliser des sculptures au baroque affirmé.