Exposition
du 20 nov. 2015 au 15 jan. 2016

Pacific33

Anne Bourse

Collège Maurice Genevoix, Decize

On pourrait essayer de définir le travail d’Anne Bourse par les matériaux qui le parcourent: papier, carton, tissus imprimés, fils, scotch, etc. On pourrait ensuite ajouter que de ces choses souvent sans valeurs, subtilisées à son environnement quotidien, l’artiste donne naissance à des collages, assemblages, pliages, petites sculptures ou grandes peintures. Mais à lister de cette manière, on s’apercevrait rapidement que c’est là une entreprise vaine et qu’après avoir dit cela, on n’a encore rien dit ou presque.

Il est très difficile de poser des mots sur les formes que génère Anne Bourse et, sans doute parce qu’ils s’accordent la liberté nécessaire pour s’égarer dans cette œuvre, ceux qui s’en sortent le mieux, je crois, sont souvent les artistes. Benjamin Seror et Sarah Tritz, qui l’ont côtoyée pendant ses études d’art à Lyon, ont été particulièrement habiles dans l’exercice. Le premier en créant une fiction ayant pour personnage principal Anne B., audacieuse « chef de projet » à Hollywood pour la chaîne HBO1. La seconde en s’abandonnant dans le modus operandi de cette production entropique qui, selon elle, « nous dit profondément que l’essentiel de la vie se situe ailleurs que dans une pénibilité ou un devoir. »2

Ces deux appropriations présentent l’avantage considérable de ne pas chercher à expliquer ou justifier quoi que ce soit mais au contraire, en empruntant des chemins de traverse qu’ouvrent les récits fragmentés qui hantent cette œuvre, de s’engager avec elle dans son hors-champ, dans une fugue. « Pacific33 », ce titre aux réminiscences de boisson anisée ou de night-club de province ne nous suggère d’ailleurs pas autre chose qu’une exposition en forme de déplacement: un éloignement du verbe d’abord, qui entrainerait une dérive bercée par l’écho lointain de musiques électroniques et traversée de flashs colorés.

Anne Bourse dit : « si quelqu’un me dit qu’il ne comprend pas c’est normal car il n’y a rien à comprendre. » Son ami Philip Vormwald ajoute : « la condition pour commencer, si tout est en désordre, ce n’est pas de tout ranger mais d’ajouter plus de confusion. » Dans la faillite de la compréhension, dans le chaos informe des choses et des idées, les choix qu’elle opère, guidés par l’arbitraire d’une élection affective, peuvent alors apparaître comme une stratégie intime pour se soustraire à toute forme d’idéologie.

Franck Balland

1- Benjamin Seror, Anne et son network ou l’homme à la moto bleue, texte pour l’exposition « Lever de soleil/coucher de soleil/où je suis en ce moment » visible chez Bikini, à Lyon, entre septembre et novembre 2014.
2- Sarah Tritz, extrait du communiqué de l’exposition « Magnifiquement Aluminium » qui réunissait Emilie Perotto et Anne Bourse à la galerie Anne Barrault en juin 2015.