Le Parc Saint Léger est heureux de présenter la première exposition dans une institution française de Melanie Smith, artiste anglaise ayant vécu principalement au Mexique depuis les années 1990. Melanie Smith travaille à la manière d’une arpenteuse de territoire, voire d’une archéologue du présent. Ses projets s’ancrent toujours dans un terrain précis, généralement en Amérique latine, et prennent forme à travers une multitude de médias tels que le film, la photographie ou les objets. Son travail entretient également une relation très forte à la peinture; une pratique qui éclaire le regard que l’artiste porte sur les sujets qui l’occupent. Digging up the present (Creuser le présent) rassemble des œuvres inédites et des œuvres plus anciennes qui, ensemble, interrogent le sens et la méthode d’une archéologie du présent et, par extension, la signification et le regard porté sur ces objets.
Melanie Smith conçoit son œuvre comme un grand palimpseste qui se nourrit constamment de ses expériences passées, mais aussi présentes et peut-être futures. Ainsi, une installation rejouant les formes d’un laboratoire de musée, a été spécifiquement conçue pour l’espace central du centre d’art. Cette installation présente un inventaire de fouille improbable puisqu’elle rassemble des objets inspirés des collections du musée archéologique de Bibracte, mais fabriqués et assemblés par des artisans mexicains et elle-même. Avec cette œuvre, l’artiste donne au fragment un rôle prépondérant dans son travail et interroge la réalité matérielle de ce qu’elle nous donne à voir. Ses objets sont perçus davantage comme des rebuts sans identité ou origine propre. Ils se présentent comme les témoins d’une filiation où l’objet devient le résultat d’une transmission, d’une transformation, comme le résultat d’un héritage contradictoire. Si le fragment infuse l’ensemble de la pratique de Melanie Smith, l’artifice y est tout aussi important. Celui-ci rend visible le processus, le cadre ou la mise en scène, et la manière dont ils induisent ou biaisent la perception.
Avec Bulto (2011), littéralement « paquet », Melanie Smith reprend la forme d’un artefact archéologique trouvé au Pérou qui représente un fardeau funéraire contenant les restes momifiés d’un corps. L’objet, réalisé par l’artiste, est visiblement une fabrication contemporaine en plastique de couleur rouge vif. Cet objet bizarre et inexplicable est en perpétuelle circulation dans toutes sortes de véhicules et de contextes. Là encore, Melanie Smith privilégie une approche fragmentaire de l’environnement qu’elle étudie en ménageant volontairement une place à l’indéterminé ou à l’inexpliqué.
Dans la même veine, Melanie Smith fait, avec le film María Elena (2018), un récit de la modernité qui met en perspective les effets de l’histoire du colonialisme impérial et économique dans le présent. Située au nord du Chili, dans le désert d’Atacama, María Elena est une ville minière, fondée par la famille Guggenheim dans les années 1920 pour l’extraction du salpêtre, un mélange de nitrates essentiellement utilisé dans les fertilisants ou dans les explosifs. Si ces images témoignent de ce passé colonial et de l’obsolescence industrielle de la modernité, l’artiste ne traite pas le sujet de manière documentaire. Au contraire, elle procède à un montage qui induit une certaine désorientation. Son récit s’organise par fragments, avec un registre d’images relativement hétéroclites. Si son film aborde la dégradation de l’environnement due à l’exploitation industrielle des ressources, Melanie Smith aborde la question par une contemplation méditative du paysage et des traces inscrites sur celui-ci, dans une forme d’abstraction que l’on retrouve dans la série de peintures qui l’accompagne. À nouveau, l’artiste nous invite moins à comprendre une thématique qu’à nous confronter à différents cadres de représentation et de perception.