Pour sa première exposition monographique d’envergure dans une institution française, Vanessa Billy propose un environnement où des figures humaines côtoient des représentations d’organismes végétaux, minéraux voire microbiens, ainsi que des objets mécaniques. Ces différentes composantes montrent l’intérêt de l’artiste pour les interactions entre l’humain et la technologie, le recyclage et la transformation des matériaux. Ses recherches les plus récentes semblent la mener vers une production d’objets qui questionnent, plus précisément, l’idée de transmutation et, d’une certaine façon, les limites épistémologiques de la nature. Bien que la sculpture de Vanessa Billy possède une dimension abstraite et poétique, elle est fortement ancrée dans la réalité des matériaux. C’est dans cette même logique qu’il faut comprendre le titre de l’exposition où Impressions de vies est entendu à la fois sur un plan technique et métaphorique. L’impression, dans son travail de sculpture, consiste à laisser une trace, une empreinte, et à marquer l’action d’un corps sur un autre. De ce processus résulte un ensemble de moulages qui représentent des éléments inspirés plus ou moins distinctement du corps humain, ou d’autres plus ambigus qui relèvent de différents organismes vivants.
Cette ambivalence des formes contribue à mettre en évidence une sorte de transmutation infinie des organismes, tout comme leur interdépendance par rapport à leur environnement. L’un des dispositifs centraux de l’exposition rejoue le jeu de ficelle, qui consiste à réaliser des figures à l’aide d’une ficelle en boucle avec ses mains, et qui peut se jouer seul ou à plusieurs. À partir de ce dispositif extrêmement simple, le ou les joueurs peuvent inventer une infinité de figures, des plus simples aux plus complexes. Donna Haraway, biologiste, philosophe et autrice de narrations spéculatives, convoque le jeu de ficelle en tant que modèle possible pour repenser notre place et notre rapport au monde. À rebours des modèles évolutionnistes, l’autrice voit dans cette pratique une manière pour les joueurs de nouer des liens, de tisser des chemins qui portent des conséquences mais pas des déterminismes. Ce jeu s’apparente à un cheminement commun, à une communication de la main tendue, en opposition aux notions d’individualisme et de compétition. Ainsi, il devient une logique de pensée et d’action qui invite à repenser notre relation au monde dans l’optique d’une meilleure cohabitation et imbrication entre les différents métabolismes.
De ce constat, Vanessa Billy explore des formes qui mettent en évidence les métamorphoses du corps humain, les mutations entre l’animal et le végétal ou entre le végétal et le mécanique. L’humain est considéré comme une entité géologique parmi d’autres et il se confond avec les autres espèces vivantes. L’artiste étudie aussi différentes structures de vie dans le sens le plus littéral possible, puisque ce sont aussi les contraintes de vie qui donnent l’apparence aux minéraux ou aux végétaux, selon les fonctions qu’ils doivent remplir dans leur environnement. Ces concepts d’hybridation et de transformation des énergies sont essentiels dans sa pratique. Ils sont une façon de chercher à sortir d’un certain dualisme entre nature et culture et d’inscrire l’humain dans un continuum déhiérarchisé. Ses œuvres les plus récentes, tout comme le dispositif de l’exposition, tentent de donner une réalité tangible à ces idées.