Le Parc Saint Léger invite Jean-Pascal Flavien pour son premier projet d’envergure en France : breathing house, la maison respire.*
Installé d’abord à Los Angeles en 1997 puis à Berlin en 2004, Jean-Pascal Flavien élabore son travail à partir de la conception et construction de maisons qui sont autant les œuvres elles-mêmes que le lieu de départ et de pensée pour d’autres œuvres. Ces dernières investissent une pluralité de mediums, comme le dessin, la vidéo, la performance, l’écriture ou l’édition de livres.
Pensée et réalisée comme un lieu d’habitation, chaque maison met en place une situation de vie singulière à partir d’un rapport donné. À ce jour, trois maisons ont été réalisées : le viewer à Rio de Janeiro en 2007, la no drama house à Berlin en 2009 et la two persons house à Sao Paulo en 2010. L’organisation interne de ces maisons est corrélative à chaque fois d’une situation de vie donnée inscrite dans l’agencement architectonique, situation qui demande à ceux qui la pratiquent qu’ils inventent des gestes, des déplacements et des modes d’utilisation ou de pensée. Flavien vit dans chacune d’elles, y travaille, y invite des proches… Les maisons sont construites pour plusieurs années et habitées suivant des calendriers variables. Dans tous les cas de figure, habiter dans la maison d’une manière physique, régulière et sur un temps long, autrement dit expérimenter ce que la maison produit, est déjà une forme de travail en soi, ou plus précisément la revendication par l’artiste que c’est dans cette expérience de vie que se loge et se déploie un travail.
Chacun de ses projets occasionne un travail protéiforme d’accompagnement qui permettait jusqu’à présent la restitution et la médiation des maisons : présentation de maquettes ; publication de livres (création en 2005 à Rio de Janeiro de la maison d’édition devonian press en collaboration avec l’artiste français Julien Bismuth) ; dessins (la série des dinosaur drawings avec le viewer) ; mobilier ; performance (PLAy avec la no drama house) ; micro-films (sci-fi film avec le viewer, Cinonema no drama cinema avec la no drama house), ou encore musique (little air, no drama house).Pour son projet au Parc Saint Léger, breathing house, la maison respire, l’artiste met en place une situation inédite dans son travail : concevoir et placer une maison en parallèle à l’espace d’exposition et imaginer des situations, des usages, les mouvements d’une respiration entre ces deux espaces, en les construisant sous plusieurs rapports.Des rapports de temps d’abord : le projet breathing house, la maison respire est constitué d’un part par l’exposition qui dure du 30 juin au 16 septembre 2012 et d’autre part par la maison ellemême dont la présence au Parc Saint Léger se déploie sur une période d’un an. Dans son principe de fonctionnement, la maison inclut donc l’exposition comme une extension temporaire de son espace. Le projet se vit en trois temps – avant, pendant et après l’exposition – qui toutes donneront lieu à des restitutions spécifiques. Avant, l’artiste habite la maison, construit ces rapport avec l’exposition. Pendant, l’artiste invite pendant tout l’été 2012 des personnes proches de lui et de son travail, artistes, commissaires ou historiens d’art, à venir vivre et expérimenter la maison, leur proposant d’investir son projet et d’en tester l’autonomie – les invités peuvent passer quelques jours ou travailler sur un projet personnel ou encore décider de réagir plus directement au projet – avec comme seule consigne de laisser un témoignage de leur expérience sous forme de texte ou de documentation.
Après, l’extension avec l’exposition ayant disparue comme horizon, elle restera au travers de ce qu’elle aura probablement modifié. L’ensemble des contributions sera rassemblé dans une publication de Devonian Press, une pratique courante de l’artiste qui a intégré le texte et la publication comme une part constitutive du travail en lien avec les maisons.Ensuite des rapports d’espace et de types d’espaces : La maison est juxtaposée à la salle d’exposition du centre d’art et permet des allers-retours de l’un à l’autre sur le mode d’une respiration dans le temps, d’un va-et-vient dans l’espace. La maison est pensée comme une série de filtres successifs placées en parallèle à l’espace d’exposition, l’espace de la maison étant compartimenté par deux cloisons mobiles qui segmentent la nature de l’activité qui y prend place : vivre/dormir/travailler. Ces murs coulissants percés d’ouvertures sont poreux aux passages, en se déplaçant, ils désaxent le regard, et modifient les axes de traversée, permettant aux objets, aux activités et aux personnes de passer d’un espace à un autre, de créer des liens, des couples : dormir/travailler, dormir/exposition, vivre/exposition, etc. Ces déplacements sont les mouvements d’une respiration, une migration autant des idées que des objets. Qu’est-ce que cela implique de passer un objet de l’espace du travail à l’espace du sommeil – et notamment si l’on considère le sommeil comme l’espace d’un travail par le rêve ? Qu’est-ce que cela implique de déménager une table de la maison et d’aller déjeuner dans l’espace d’exposition ? Un type d’objet peut-il se former à partir de cette situation ? L’enjeu de breathing house n’est pas de définir ou de délimiter tous ces champs mais bien de questionner et reconstruire les liens entre des espaces, et plus loin, de postuler que tout processus artistique inclut et produit des moments de latence, de sommeil et d’échanges.
Sandra Patron Commissaire de l’exposition