JEAN-BAPTISTE BRUANT, FRÉDÉRIC LORMEAU ET MARIA SPANGARO
EXPOSITION
DU 25 SEPT. AU 28 NOV. 2004
murmur, shoes and fracture
« Murmur, shoes and fracture » est une composition visuelle, sonore et performative dans le
paysage du Parc Saint Léger, proposée par Jean-Baptiste Bruant, Frédéric Lormeau et Maria Spangaro. Elle prend en compte les différentes composantes du lieu : le Pavillon des sources, la serre en ruine, la prairie, le Centre d’Art mais aussi les corneilles, les saisons, la promenade. Tout ces éléments sont ré-agencés, rejoués, déplacés dans un dispositif qui comporte des figures permanentes et visibles pendant toute la durée de l’exposition et des parties activées pendant les 2 performances (les 25 septembre et 16 octobre).
Le centre d’Art est occupé par la vidéo-projection d’une image de serre sous la neige, image méditative, presque hypnotique, muette. Dans le pavillon des sources, empli de brouillard, sont enfermés les cris des corneilles, cris qui hantent régulièrement, notamment au printemps, le parc tout entier. Enfin, au fond de la grande prairie, près de l’entrée du Centre d’Art, une composition sonore et musicale est diffusée par le sol. Pour les performances, les trois artistes porteront des chaussures qui les élevaient au-dessus du sol, les pieds très cambrés, dans une position instable qui induisait une démarche à la fois chaotique et délicate, une tension corporelle très éprouvante. Ils déambuleront dans les espaces du Parc en portant sur le dos des enceintes diffusant des sons spécifiques à chacun et émettant eux-mêmes des sons : chuchotements, paroles, cris, chants…
« Murmur, shoes and fracture » est en quelque sorte le « précipité chimique » résultant d’une résidence à trois au Parc Saint-Léger, à différentes saisons de l’année, composé des trois univers artistiques, de l’expérience de vie et de travail en commun, ainsi que des caractéristiques du lieu. Jean-Baptiste Bruant et Maria Spangaro collaborent depuis de nombreuses années pour des performances, des installations vidéo et des expositions où les dimensions corporelles et sonores sont intimement mêlées. Frédéric Lormeau a d’abord travaillé l’objet, la sculpture, mais une sculpture conçue dans sa relation avec le corps, avec la main qui manipule, et avec le paysage ; travail qui le mène à impliquer la chorégraphie.
Lors d’une première rencontre, en 1999, au Japon, pays influant et référant pour les trois artistes, des affinités et des intérêts communs sont très vite apparus, notamment la présence du corps et son mouvement, essentielle aux deux démarches.
La résidence au Parc Saint Léger a été tout de suite appréhendée par les trois artistes comme pouvant être la matière même du travail, terrain d’observation et d’enregistrement des humeurs, des frictions, des euphories et des incidents (ce que les artistes appellent les « idiorrythmes »). C’est aussi une expérience artistique « démocratique », une tentative pour trouver le juste équilibre et le bon endroit pour faire apparaître une œuvre commune, sans rapport hiérarchique, sans compétence attribuée. Ce parti pris difficile et périlleux est énoncé aussi par les artistes comme une prise de position politique, déjà inscrite dans leurs démarches respectives. Chez ces trois artistes, il y a toujours le constant souci de maintenir une position d’artiste non autoritaire, qui laisse la place à l’indéterminé, à l’incident, qui laisse le spectateur opérer des choix, parmi des propositions visuelles, chorégraphiques, performatives et/ou sonores, fragmentées, multiples.
C’est sur des deux notions importantes que les préoccupations des artistes rejoignent le projet du Centre d’art, qui se veut justement un lieu de vie et de travail, de rencontre et de partage, un endroit de ralentissement et d’amortissement, en retrait et en résidence par rapport à l’accélération du monde urbain.
« Murmur, shoes and fracture » est ainsi le résultat de la conjonction entre des désirs d’artistes et un lieu, sa configuration paysagère et son projet artistique. Dans cette expérience, le Centre d’Art a trouvé avec les artistes une manière particulièrement juste de jouer la résidence qui n’est plus non seulement de l’espace, du temps et des moyens pour une création mais surtout un espace de mise en commun, la possibilité d’expérimenter et de rendre concrètes des envies intuitives, de confronter à la réalité quotidienne de la vie commune des aspirations artistiques.
« Murmur, shoes and fracture » sera pour le visiteur une manière inédite de redécouvrir les espaces du parc, de l’appréhender dans ses multiples dimensions : temporelles, spatiales, sensorielles, émotionnelles… Les différentes strates qui ont nourri le travail de création apparaissent par bribes ou fragments et rencontrent le propre cheminement du promeneur.
Danièle Yvergniaux