BENOÎT ANDRO, BÉATRICE DACHER, FRANÇOIS DAUREAUX, MICHEL GUILLET, GUILLAUME JANOT, CÉCILE PITOIS
EXPOSITION
DU 11 DÉC. 1999 AU 27 FÉV. 2000
Séjours 99
Qu’ils se revendiquent peintres ou non, les artistes de l’exposition « Séjours 99 », invités en résidence, manipulaient avec une grande liberté les formes picturales afin d’interpréter leur significations, leurs préoccupations et donc d’interroger leur mode d’existence. Ce faisant, ils franchissaient les limites traditionnelles de ce médium (tableau, surface, couleur), revisitaient son histoire et son statut d’objet social et déplaçaient ainsi son territoire. La peinture s’infiltrait dans la réalité, brouillait la distinction réel/représentation, troublait le couple nature/culture. En bref, elle complexifiait la notion de réception, mêlait les styles et les médiums et se redéployait dans de multiples rencontres.
Cette exposition regroupait des pratiques qui, pour certaines, questionnaient le champ pictural avec se propres outils – le tableau, le motif – (Benoît Andro, Béatrice Dacher, Cécile Pitois) et pour d’autres faisaient appel à la peinture dans le cadre de leur recherche en photographie (Guillaume Janot) ou en sculpture (François Daireaux, Michel Guillet).
Béatrice Dacher et Cécile Pitois rejouaient avec l’idée du tableau qui prend sa forme et son sens par rapport à un contexte spécifique. Pour Béatrice Dacher, le tableau, qui reproduisait un motif décoratif existant (dans le cas de cette exposition un motif de jeu de cartes), ne prenait son sens que dans un environnement précis qui allait lui-même se révéler et devenir aussi tableau – ainsi la salle de jeu du casino et la salle commune de la maison de retraite se révélaient dans leur essence. L’œuvre était ainsi un prétexte à communication sociale. Cécile Pitois proposait au spectateur une déambulation dans le parc l’obligeant à chercher ces petites peintures à même les arbres, liées intimement à la vie invisible du parc (« petits instants de la vie invisible de nos insectes »).
La grande peinture murale de Michel Guillet questionnait aussi l’inscription de ce médium dans un contexte, ici l’architecture même du centre d’art. La couleur vive et particulièrement artificielle, en aplat, suggérait une perspective improbable qui déstabilisait l’espace. L’imagination du spectateur était dans le même temps sollicitée et arrêtée par l’évidence de l’artifice.
Sur le mur d’en face, François Daireaux proposait un grand « all-over » constitué d’une série de sculptures disposées sur l’ensemble de la surface. Chaque volume, dont la forme organique tenait à la fois du végétal, du minéral ou de l’animal, était identique et différent de ses semblables. Cette prolifération composait un motif abstrait qui était aussi mis en abîme par la photographie.
Benoît Andro et Guillaume Janot ont été invités en résidence dans le Parc Naturel Régional du Morvan pour leur intérêt particulier pour le paysage. À partir d’un ensemble de dessins réalisés d’après ses promenades, Benoît Andro a réalisé deux tableaux qui révélaient l’artificialité des représentations, mais aussi sa singularité. La peinture était construite à partir des éléments observés : paysages, objets, graphismes, mais aussi, dans la composition, elle empruntait à l’univers de la publicité ou du dessin animé. Il opérait une synthèse entre les signes de la culture populaire et sa propre expérience de l’espace. Guillaume Janot questionnait les formes et les statuts de l’image photographique en multipliant sources et références parmi le fonds commun des images de toute nature, dont la peinture et son histoire. L’agencement des différentes images dont la taille, l’échelle, les supports variaient, proposaient au spectateur la trame d’une narration à construire.
L’idée de la peinture, ici, s’est développée dans la multiplicité des propositions et la pluralité des démarches, dessinant de nouveaux champs possibles. La couleur, préoccupation commune et fil conducteur, distillait une joyeuse énergie au sein de l’exposition et rendait visible les déplacements, les interférences. Par son omniprésence, elle donnait au spectateur la sensation jubilatoire d’être dans un espace habité par la peinture, de manière familière, voire familiale, une famille largement régénérée par de multiples échanges.