Le Parc Saint Léger-Hors les murs et la Ville de Nevers présentent pour la seconde année consécutive, une exposition monographique d’un artiste contemporain au cœur de la cité médiévale : Soraya Rhofir au Palais ducal.
Didascalicon est l’une des premières encyclopédies moderne des arts, des sciences et des techniques, écrite au XIIème siècle. Elle se définit comme un art de lire le monde et en répertorie les archétypes. Ce point de départ conduit le travail mené par Soraya Rhofir pour le Palais ducal : la pierre, l’animal, l’administration, la déambulation sont autant de thèmes qu’elle dégage du lieu pour le mêler à son vocabulaire plastique. Dans l’exposition Didascalicon, des images de tous registres se croisent, stéréotypes antiques ou actuels. Issues pour la plupart du flux Internet, l’artiste les tamise pour en extraire non seulement des figures mais de véritables matières. Utilisant la nervure du bois, le moucheté du linoléum, la densité légère du papier mâché, Soraya Rhofir révèle au visiteur une peuplade de symboles incarnés, sortes de totems contemporains.
Après Celebration de Tony Regazzoni, l’exposition Didascalicon de Soraya Rhofir sonde à nouveau, au Palais ducal, l’impact des images qui construisent notre réel, et ce en jouant des oppositions qui y fermentent, entre l’essentiel et l’artificiel, le passé et le présent, le naturel et le culturel.
L’exposition nous emmène dans une réalité parallèle qui intègre le Palais ducal dans sa construction et nous conduit à le relire entièrement. Soraya Rhofir ancre son projet dans le lieu par son étude approfondie. Les œuvres qu’elle propose, produites pour l’occasion, résonnent avec l’histoire et le présent du Palais : l’évolution de son style, la multiplicité de ses usages et des éléments qui y sont exposés. Château des Ducs de Bourgogne avant de devenir Palais de justice, celui qu’on appelle désormais le “Palais” ducal est aujourd’hui à la fois antenne de la Mairie — puisqu’il abrite le conseil municipal et la salle des mariages, lieu de congrès, de séminaire et d’expositions, et Office du tourisme. Le style du bâtiment lui-même — dont la construction a débuté en 1464, ce qui en fait le premier château de la Loire, associe les différentes périodes et les fonctionnalités qui y étaient liées, composant un ensemble atypique. Le visiteur se laisse surprendre par la présence moderne de l’aquarium et de l’escalier, la pierre brute visible en sous-sol associée aux tapisseries et moulures des étages.
Soraya Rhofir invite le public à se laisser pénétrer par l’exposition et à en faire sa grille de lecture, son guide dans l’appréhension du réel, tel le Didascalicon (littéralement “enseignement” en grec) qui fût celui d’un prince. Mais ici le savoir se ramifie en des planètes moins glorieuses que celles de la culture dite cultivée et plonge ses racines vers le monde économique, administratif, publicitaire ou encore celui des comics, de Youtube et des jeux vidéos. Pour l’artiste, une image vaut par sa matérialité propre et son absence de qualité est bien une qualité en soi. La pixelisation liée à une basse définition, l’imperfection radicale d’un trait, la grossièreté des finitions ou encore la pauvreté de la recherche graphique constituent pour Soraya Rhofir un répertoire de formes parfois maladroites qui ne répondent pas aux codes du bon goût. L’intérêt d’une image réside dans sa prégnance visuelle.
Par un système d’équivalence, l’artiste met en rapport les archétypes anciens et les stéreéotypes actuels, les premiers n’étant que des figures types aujourd’hui universalisées, devenues des images mythiques. Soraya Rhofir envisage les formes légendaires de demain organisées en un chœur dissonant et grandiose. Les figures répondent aux signes pour former le décorum d’une tragédie qui n’est autre que celle de la vie quotidienne.
Les supports que l’artiste utilise pour ces images, bois imprimés, cartons, panneaux en moquette ou encore linoléum accentuent la facticité de cette scène, entre théâtre baroque et couloirs de supermarché. Loin de proposer une vision uni-directionnelle et l’établissement d’un savoir didactique, c’est une effusion lyrique qui se donne à voir.
Céline Poulin, commissaire de l’exposition et chargée de la programmation Hors les murs du Parc Saint Léger.
Soraya Rhofir est venue en “Résidence secondaire” au Parc Saint Léger d’octobre 2011 à février 2012.